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LA PRESTIGIEUSE SIGNATURE
 

DES FRERES MULLER

 

 

 

Franco Borga

 

 

 

                

Vase boule en verre doublé à décor de paysage lacustre et de cygnes gravé à l'acide -
signature en relief en camée : "Muller Fres Lunéville" - H 9,7 cm - collection particulière
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Une signature très recherchée à l'heure actuelle par les collectionneurs de verrerie d'art.
Elle est restée liée à la plus belle période de tous les temps dans le domaine de la verrerie, celle de l'Art Nouveau. Cette époque demeure celle où la France, grâce au mérite de ses plus grands maitres, Emile Gallé, les Frères Daum, Désiré Christian et les Frères Muller, atteint des sommets dans cet art. Puis, sont apparues des œuvres d'une rare beauté, réalisées en utilisant des techniques extraordinaires, jamais employées et encore inégalées de nos jours.

 

 

 

Pichet et vase en verre quadruplé à décor dégradé à l'acide, puis repris à la meule, traité au cobalt. Pichet à anse appliquée signé "Muller - Croismare" et vase signé "Muller"

 

 

La verrerie français s'impose
Les maîtres français ont entraîné d'autres artistes dans leur sillage, exporté leurs œuvres et fait école en Europe où la verrerie "en camée" ("cameo glass" - technique consistant à graver à la roue, ou à l'acide, la couche supérieure des strates de verres colorés, nous apprend le Dictionnaire des antiquités et de la brocante de Jean Bedel) resurgit après l'expérience anglaise due à George Woodal et John Northwood. Au cours du dernier quart du XIXe siècle, ils incisèrent d'excellentes verreries inspirées des modèles de la Rome antique (la pièce la plus célèbre est le vase de Portland, réalisé par Northwood pour la "Red House Glassworks", aujourd'hui au British Museum de Londres).

 

 

Grand vase à décor arabisant en verre triplé dégradé à l'acide; technique du "camée" - Signé "Muller Frères"


 

Dans l'art de la verrerie 1900, nous distinguons deux sortes de réalisations (mises à part les pates de verre). La première, constituée de verre coloré, est représentée et diffusée avant tout par l'américain Tiffany, ainsi que par la majeure partie des verreries d'Autriche et de Bohème; elle requérait une extréme habileté de la part du souffleur de verre. La seconde, incarnée par les maîtres français qui se sont imposés partout (et par quelques autres verreries européennes où, cependant, les résultats obtenus sont plus modestes) est faite de verre soufflé intégrant plusieurs couches colorées dans la pate, puis taillé à la roue et gravé à l'acide, dont le résultat dépendait non pas tant de l'habileté du souffleur que des compétences requises à l'étape suivante, celle du travail dit "en camée" .

 

 

La personnalité dans l'oeuvre émerge au fil du temps
A l'époque, les critiques, à l'occasion des Expositions Universelles et des divers Salons, avaient l'habitude pour la plupart, de faire leurs commentaires sur les verreries "à la manière de Gallé" sans trop faire de distinction entre leurs auteurs. Ils décrivaient les œuvres de verre de leurs contemporains en faisant du tort à des signatures de plus ou moins grande valeur, comme par exemple celles de Daum et Legras, d'Eugène Michel et des Muller, de la manufacture belge du Val-Saint-Lambert ou du hongrois Jstvan Sovanka.

 

 

Lampe champignon en verre doublé à décor de paysage d'inspiration japonaise, dégradé à l'acide. Technique du "camée"

 

La présence d'un thème floral exécuté en employant l'une des techniques les plus fréquentes, la gravure à l'acide fluorhydrique, ne suffit pas pour classer une grande partie de la verrerie dans l'Art Nouveau. Avec le temps l'on a appris à se montrer moins superficiel; aujourd'hui, en effet, de nombreux amateurs (sans pour autant être des marchands ou de grands collectionneurs) savent distinguer une oeuvre d'une autre selon la matière, la forme, les couleurs, le décor,... sans avoir besoin de lire la signature (car déterminer les techniques exprimées nécessite, en plus de l'étude théorique, beaucoup d'observations pratiques). En procédant à une telle analyse, on s'apercoit que chaque oeuvre possède sa personnalité et que l'exécution varie d'un maître à l'autre, tout particulièrement parce qu'elle est mise en évidence par la touche propre à chaque artiste.
 

 

 

Considérations sur le marché
La verrerie des Muller, très convoitée par les collectionneurs, est chaque jour plus rare et plus difficile à trouver, bien que la production soit restée abondante et solide pendant une période de création de cinquante années : de très nombreux modèles de vases, coupes et lampes Ces objets sont désormais à des prix élevés - mais encore destinés à monter -. On peut toujours se procurer sur le marché toutes les signatures de cette merveilleuse période (bien que les pièces de plus grand prestige deviennent de plus en plus exceptionnelles).
Pour autant que l'on considère le marché Muller (ventes publiques), il est aisé de vérifier qu'il n'ya pas ou presque de pièces en circulation. Et si quelques unes apparaissent, il va sans dire que l 'on peut les compter sur les doigts de la main. Que celles-ci, comparées aux autres, soient pratiquement absentes du marché, signifie pour nous deux choses: premièrement, ce sont probablement des verreries très appréciées de leurs possesseurs, des particuliers, qui ne veulent pas se défaire d'objets de valeur alors que les cotes n'ont pas atteint un niveau suffisant par rapport aux prix pratiqués pour des œuvres de maîtres utilisant des techniques analogues (laissons de cóté les pièces uniques, la marqueterie de Gallé, les applications et intercalaires de Daum). Deuxièmement, on a la conviction que dans un passé récent, des marchands prévoyants ont stocké un certain nombre de ces œuvres en se basant seulement sur leur importance artistique; ils ont jugé qu'elles n'étaient pas à mettre sur le marché durant les années de la "redécouverte" et, ensuite, de la "reprise" (1960-70), les prix de tous les objets Art Nouveau étant alors encore très bas.
 

 

Lamp champignon en verre quadruplé, à décor de coquelicots et de feuilles gravé à l'acide sur fond opalescent ambré avec une nuance d'azur, monté en fer forgé à motif de feuilles. Double signature gravée en camée sur les deux parties: "Muller Lunéville".
H 49 cm - collection particulière -

 

 

Les Frères Muller, Lunéville et Croismare, 1885-1936

Les Muller, neuf frères et une sœur, étaient originaires de Kolhausen, près de Saint-Louis, où le plus àgé apprit le métier de verrier. Souffrant de l'occupation allemande aux lendemains de la guerre de 1870, ils émigrèrent à Lunéville, non loin de Nancy.
Disciples d'Emile Gallé, avec lequel ils ont travaillé un certain temps, Henri, Victor et Pierre se sont joints à Désiré et Eugène (également anciens disciples de Gallé) qui avaient ouvert un petit atelier particulier pour la gravure sur verre; la famille entière demanda à y collaborer en 1895.

 

 

 

Vase à décor floral monochrome, dégradé à la meule, portant la signature des plus belles pièces artistiques "Muller - Croismare"

 

Les Muller décoraient leurs pièces - vases et lampes - après les avoir fait souffler, sous leur directive, par la verrerie Hinzelin à Croismare. Chacun prenant ses propres responsabilités, ils mirent tous en action leurs capacités et leur valeur personnelle, développant ainsi une solide manufacture. En 1900, ils parvinrent à un stade qui leur permit de suivre toutes les techniques: décor taillé à la roue, applications, peinture à l'émail et surtout gravure à l'acide. Ils devinrent de véritables spécialistes réussissant à graver jusqu'a sept couches dans le verre. Leur réputation s'étendit audelà des frontières et, vers 1910, la fabrique de verre belge du Val-Saint- Lambert leur offrit un contrat pour enseigner aux ouvriers de la fabrique la mise au point de la technique à l'acide, combinée à la coloration injectée dans la pate de verre et à l'émaillage: deux des frères s'y engagèrent.

 

 

 

Gourde à décor floral en verre doublé gravé à l'acide en camaïeu de bleu.
Signée "Muller Frères - Lunéville". (Jean Ferré, Pierre Lefort et Philippe Lestringant)

 

 

Aux thèmes décoratifs préférés des Muller - insectes, escargots, chauvessouris, papillons, feuilles et fleurs en général et, en particulier, les chàtaigniers, chardons, violettes, iris, orchidées, fuchias, vigne-vierge et grappes de raisin, dans lesquels la matière du verre prend des tons chauds et automnaux - s 'en ajoutent d'autres, d'une exécution chromatique vive, parfaite et réaliste au point de faire penserà une photographie, et ce sont des paysages ou des ramages de fleurs ou de feuilles d'une valeur picturale jamais atteinte auparavant dans la verrerie, et jamais non plus égalée même par les deux grands maîtres de Nancy, Gallé et Daum.

 

 

 

8) Vase en verre quadruplé à décor aquatique - hippocampe - Très beau travail entièrement à la meule et traité au cobalt. Signé "Muller - Croismare".


Avec la guerre de 1914-1918, les Muller ferment la manufacture de verre et se dispersent. Emile va travailler comme graveur à Choisy-le-Roi; Auguste, Camille et Jean sont engagés à Sèvres; mais en 1919, nous les retrouvons réunis à Lunéville et Croismare, où ils ont acquis aussi les fours de Hinzelin pour souffler eux -même leur propre verrerie. En très peu de temps, leur activité prospère à nouveau, venant à employer 200 ouvriers-verriers, pour lesquels les Frères Muller, grands travailleurs eux -même et socialement engagés, font construire une cité de logements selon des critères modernes. Les Muller restèrent longtemps fidèles à l'Art Nouveau et à l'Ecole de Nancy (sans jamais faire partie officiellement de la Société de l'Ecole de Nancy); ils adhérèrent à l'Art Déco et au géomètrisme mais la majeure partie de leurs œuvres reste liée à la couleur et au style des années 1900. Avec la crise qui touche la France en 1936, ils ferment l'établissement, laissant leur nom parmi les grands maîtres-verriers.

 

 

 

Franco Borga