Pierre Rosenberg

Caterina Foschi dessinatrice

 

 

 

 

1. Caterina Foschi, da Francesco Foschi, Un laborioso mattino d'inverno. Coburgo, Kunstsammlungen der Veste Coburg.

 

2. Francesco Foschi, Un laborioso mattino d'inverno. Ubicazione ignota.

 

On sait le double attachement de Pietro Zampetti pour l'art de la Vénitie et pour celui de ses chères Marches. Il a dédié à ces deux magnifiques régions d'Italie l'essentiel de ses travaux d'historien d'art, de ses recherches et de ses compétences organisatrices. Nous sommes heureux de lui présenter, à l'occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire, cette modeste note consacrée a une artiste a ce jour inconnue, d'un discret talent, mais en histoire de l'art rien ne doit être négligé. Qu'au nom d'une vieille amitié et d'un amour commun pour Venise et pour tant de ces petites capitales des Marches qu'il connaît si bien et auxquelles il est si profondément attaché, Pietro Zampetti veuille bien accepter ce chaleureux hommage d'un Parisien qui, durant de nombreuses années, a suivi avec un grand intérêt ses travaux si variés.

Les Kunstsammlungen der Veste Coburg à Cobourg en Saxe sont connues pour leurs riches collections de gravures parmi les plus importantes d'Europe. Elles le sont moins, en dépit d'un catalogue sommaire mais fort utile paru en 1970, pour leur cabinet de dessins qui pourtant conserve quelques pièces de première importance. Plusieurs dessins français notamment mériteraient la notoriété. Parmi ceux-ci, deux feuilles que nous avions vues il y a de nombreuses années et que nous avons récemment revues avaient retenu notre attention. Elles étaient, elles sont toujours, attribuées à une certaine "Catherine Josquin", active au XVIIIe siècle, inconnue des dictionnaires. Elles représentent toutes deux des paysages d'hiver et portent les numéros d'inventaire Z2926 et Z2927. Exécutées sur papier bleu gris à la pierre noire, rehaussées à la craie blanche, elles mesurent chacune 282 mm de hauteur sur 502 mm de large. Pourquoi ce nom ? Tout bonnement parce qu'elles sont signées en français, 529 en bas à droite, à la plume et encre brune : "Dessiné par Catherine Josquin" (ont lu les auteurs de l'inventaire de Cobourg) en réalité "fosqui". On aura compris qu'il s'agit d'oeuvre de Caterina Foschi.

 

3. Caterina Foschi, da Francesco Foschi, Viaggiatori sulla via di casa. Coburgo, Kunstsammlungen der Veste Coburg.

 

 

4. Francesco Foschi, Viaggiatori sulla via di casa. Ubicazione ignota.

 

La récente monographie consacrée par Marietta Vinci-Corsini à Francesco Foschi que nous avons eu l'honneur de préfacer a attiré l'attention sur cet artiste des Marches né à Ancône en 1710 et mort à Rome en 1780. Dans son ouvrage – l'édition anglaise est parue en 2002, on attend une édition italienne –, l'auteur réunit les faits marquants de la vie du peintre et catalogue quelques 163 tableaux. Il s'agit en majorité de ces paysages de neige si particuliers dont Foschi se fit une spécialité, comme Volaire le fit pour le Vésuve, et qui assurèrent de son vivant à l'artiste une réputation européenne. Notons en passant qu'il aimait signer ses oeuvres en français et se paraît d'un titre de chevalier d'une ancienneté douteuse et d'une précarité certaine. Les deux dessins de Cobourg reproduisent, avec quelques variantes, deux de ses tableaux.

Que savons-nous de "Catherine Josquin"? Caterina Foschi est née, semble-t-il, à Ancône en 1755. Son père Francesco avait épousé en 1744 une Romaine, Costanza Scirman. Caterina fut leur seule fille. Les "Statti delle anime" de la paroisse de Sant'Andrea delle Fratte de Rome lui donnent en 1764 neuf ans, mais, selon son acte de confirmation du 5 juillet 1767, elle en aurait eu à cette date quatorze. Elle habitait avec son père, comme Marietta Vinci-Corsini nous le confirme, Piazza di Spagna et y demeura sa vie durant, en tout cas à coup sûr jusqu'en 1795. Quatre ans après la mort de son père, elle avait épousé Michele Senapa, "computista", d'une importante famille de notaires. On ignore la date précise de sa mort. Les dessins de Cobourg copient deux tableaux aujourd'hui retrouvés de Francesco Foschi. Le premier, qui porte le numéro 104 dans la monographie de Marietta Vinci-Corsini, a pour titre dans cet ouvrage "Un matin d'hiver laborieux", le second (numéro 158, reproduit en couleurs) celui de "Voyageurs sur le chemin du retour". En dépit du fait que ni l'un ni l'autre ne sont signés (ni, hélas, datés), ils sont d'une attribution certaine. Il convient de comparer les dessins de la fille aux tableaux du père. Les variantes sont peu nombreuses et vont dans le sens de la simplification. Du premier tableau, Caterina élimine les habitants de la ferme, le cavalier et son cheval qui s'éloignent, quelques détails du paysage. De même, Caterina Foschi n'a pas cru bon de reproduire, sur le second dessin, la chaumière qui occupe le centre de la composition de son père. Mais ce quÈon observe avec sympathie c'est la fidélité de la représentation et le souci de rendre minutieusement ces détails pittoresques dont Foschi savait animer ses oeuvres. Certes, il fait froid sur les tableaux de Francesco comme sur les dessins de Caterina et une épaisse neige recouvre les branches des arbres dépouillés, les chemins et les rochers, mais la présence humaine rend moins inhospitalière cette nature dont Francesco Foschi sut être le poète original et novateur.

 

 

Pierre Rosenberg

 

 

 

ARTE Documento  N°17-19                                                                © Edizioni della Laguna